Lettre à des contemplatifs |
LETTRE À DES CONTEMPLATIFS Patrice de la Tour du Pin Voici donc un recueil d’hymnes, écrites à la gloire de Dieu par des contemplatifs. Après m’avoir invité sur leur chantier, adopté comme complice et comme ami, ils m’ont demandé une préface. Mais quel besoin de présenter des textes aussi limpides ? Tout commentaire dessert déjà un processus poétique, et celui-ci mène ouvertement vers l’adoration ; la lumière qu’il essaye de capter et de diffuser s’atténue à celle d’une lampe tant soit peu abstraite dirigée sur elle ; le mouvement de vie qu’il s‘est efforcé de tenir jusque dans sa fixation par l’écriture ne se laisse pas traduire dans une autre forme de langage, plus impersonnelle. Alors qu’ai-je à dire, que puis-je dire ici ? Ma reconnaissance pour tout ce que ces religieux m’ont offert à respirer au milieu d’eux ? Mais qui entrera dans leur livre le respirera pareillement ! Dois-je présenter les auteurs ? Vous tenez sûrement à demeurer dans l’ombre… Voilà que je m’adresse directement à vous… Eh bien ! je vais m’y laisser aller, et en manière de préface, tout simplement vous écrire.
En vous parlant du mode poétique employé comme moyen d’approche des affaires de Dieu et de ce que la poésie peut apporter à l’Église ? Ce sont là de bien grands thèmes et j’hésite un peu à les exploiter dans ces quelques pages : ils risquent d’obscurcir le seuil de votre cantique, de compliquer son accès aux lecteurs, de troubler ce qui apparaît si clair dans l’expression : hymnes à la gloire de Dieu. Mais aucun dictionnaire ne fournira un terme équivalent à cette gloire, aucun assemblage d’idées pures ne circonscrira Dieu Vivant, et l’hymne n’est pas un corps verbal destiné à propager un état seulement poétique. Vous le voyez, je ne peux déjà m’en tenir à l’acception objective des mots, je les charge en retour de ce que j’éprouve comme leur charge, et je m’enfonce alors dans un monde de relations bien obscures, où pourtant je dis Dieu-Lumière comme vous et où il me semble aussi naturel qu’à vous de lui rendre gloire en chantant. Mais soyez tranquilles : je ne disposerai pas en problèmes des données qui échappent à l’enregistrement strictement mental : votre préfacier fait profession de poète ! Chacun de nous a ses vocables de prédilection, et il se trouve que nous en avons de communs et de particuliers ; malgré l’emploi de la prose, c’est encore une action poétique que j’entreprends ici. Comme vous n’attendez de moi ni une affiche publicitaire, ni une étude critique, je suivrai tout bonnement votre conseil d’écrire ce qui me plaira, en m’excusant dès l’abord de me mettre indiscrètement en scène. Je mènerai donc ma lettre en m’arrêtant de temps à autre sur certains mots qui me semblent à charge et je tâcherai de vous en rendre compte : il me faut bien commencer par celui de poésie. C’est une chose si étrange pour bien des gens qu’ils la caractérisent souvent par ses charmes superficiels, quand ils n’en font pas une drogue verbale d’évasion ! Vous savez bien que certains lecteurs de vos cantiques diront : il n’y a pas là de véritable poésie. Et vous serez assez indifférents à cette critique, parce que vous aurez surtout cherché leur teneur de prière. Et puis, je présume que pour vous comme pour moi, la poésie n’existe pas en elle-même ; on range sous ce mot les fruits de multiples synthèses verbales dont les composants sont parfaitement différents. L’analyse de ces synthèses ne témoignera jamais de ce qui les a formées et qui est évidemment le plus important. Il s’agit bien cependant ici du processus poétique exploité au service de Dieu et du fait que la foi l’a utilisé longtemps comme moyen d’approche et de propagation. Dans l’enfance de l’humanité, dira-t-on : sans doute, mais il est un peu sommaire de prétendre qu’à un âge plus adulte, ce mode est anachronique. Notre âge est encombré d’idéologies, notre religion, par définition reliante, en est affectée, en même temps qu’elle est attaquée du dehors par les présentations de l’analyse. L’exercice poétique me semble au moins toujours toucher l’insuffisance de la parole humaine à traduire les affaires de Dieu, nous ramener à notre propre insuffisance devant lui, et finalement au silence : un silence d’où vous êtes partis et auquel vous aboutissez, après un parcours où il est constamment lié à la parole. Ceci dit, vous n’êtes pas entrés dans une vie contemplative pour traduire l’effet de la parole de Jésus-Christ sur vos propres voix et pour inscrire ensuite vos versions sur le papier ; vous célébriez le Christ dans un univers verbal élaboré par d’autres que vous, et vous vous reteniez de rien ajouter de votre cru, sauf dans votre prière privée. Mais brusque ment, il y a eu l’appel de l’Église à énoncer dans les langues maternelles la réponse de l’humanité à Dieu, il y a eu le besoin d’hymnes nouvelles dans vos monastères : vous vous êtes simplement mis au service de vos frères en leur proposant des chants de louange et d’action de grâce, c’est ce motif qui vous a pressés le plus fort. Croyez-moi, je n’ai pas la prétention de vous expliquer à vous-mêmes, je vous explique seulement à moi en vous interprétant ; et là encore, je me trouve ramené au processus poétique qui est bien sûr interprétation. Synthèse, interprétation. On peut dire bien d’autres choses à son sujet, plus ou moins vagues. Aussi je voudrais surtout attirer votre attention sur un certain point, quitte à me faire juger comme interprète abusif et par trop inobjectif. Mais je me suis souvent demandé comment le terme de poésie dérivait du poïeiv grec, et en quoi il représentait l’acte de faire ; et je me suis répondu que son exercice tendait précisément à faire un univers verbal personnel et donc centré sur le foyer moi, en conjuguant le mouvement et les stades de sa fixation relative par l’écriture. C’est maintenant sur le mot univers que je veux m’arrêter un instant : étymologiquement, il signifie tourné en un ; pratiquement, il me sert à représenter la procréation spirituelle et verbale de mon foyer singulier, et à l’exposer à Dieu, foyer de toute vie d’univers et de toutes les vies d’univers particuliers. Il m’importe peu que ceux-ci soient écrits ; quiconque, si peu poète qu’il croit être, forme le sien, et en vous lisant, utilisera facilement ce terme pour signifier ce que votre livre sécrète en lui et les perspectives qu’il suscite. J’en arrive donc tout normalement à l’acte de signifier. Si l’action poétique est celle qui peut le moins se définir et s’enseigner, c’est, je crois, parce qu’elle tend foncièrement à signifier : les deux verbes ont la même racine, mais ils engagent dans des cours bien différents. Nous avons été enseignés par l’Église, vous et moi, vous bien plus encore que moi, et appelés, à travers l’enseignement, à signifier le Christ en tant que créatures signifiées par lui ; dans tous nos actes, mais ici spécialement dans celui de la parole. Je crois donc pouvoir m’appuyer sur ce mot pour dire que Dieu est signifiant. Puisque le mode poétique dans ses limites et même dans son désordre l’est aussi, je m’explique un peu pourquoi il a servi de moyen de transmission de la foi, et je me demande comment il peut servir encore. Nous pouvons constater le peu de crédit que le monde actuel apporte à la poésie, bien que, çà et là, nous entendions quelques appels à son adresse. Il me paraît bon alors de convenir que Dieu est inévident aussi, que beaucoup d’hommes posent son existence en problème, et que, par le fait de son inévidence, un grand nombre profite du doute pour en tirer des motifs suffisants à nier son existence : c’est là un vocabulaire bien philosophique ! Mais je l’emploie volontairement dans l’intervalle qui sépare une démarche enseignable et assez méthodique d’une démarche signifiante. Il m’étonne toujours que ce soit sur le plan du langage philosophique que les gens prétendent juger de Dieu, sans flairer que sa mise en problème peut être déjà un piège. Et j’ajouterai que mon étonnement porte aussi sur certains constats d’absence de signes nets de Dieu dans l’univers ; il me semble que la religion-reliante demande d’abord le retournement devant lui inévident et l’acceptation d’être signifié par lui ; après quoi tous les signes moins importants, les signes primaires contestés par notre âge adulte d’humanité, pourront peut-être reconverger autour de celui-là, et puis de nouveau se déployer. Toutes ces considérations m’ont-elles éloigné de votre livre ? Je reviendrai alors vers lui avec le verset du poète des Psaumes : Je me souviens que tu m’as dit : cherchez ma Face. Si je traduis ce dernier mot par évidence, si j’entends l’appel de Dieu à chercher son évidence, si je me rappelle que cette évidence est promise au plein Jour du Christ, je dois bien admettre que la liturgie est faite pour les fidèles et que nous n’avons pas à y faciliter son accès aux incroyants ; nous y proclamons la foi, nous l’affirmons, nous célébrons le Seigneur mort et ressuscité. Ce n’est pas dans son parcours qu’il convient de discuter, de traiter des difficultés de l’intelligence à se soumettre et à s’exposer, de parler de l’inévidence de Dieu ; nous lui parlons, et au contraire de le réduire à un objet mental définissable et isolable, son itinéraire suscite inlassablement des motifs de croire à Dieu-signifiant. Mais la liturgie et tous les travaux effectués sur des secteurs partiels - métaphysiques ou moraux, par exemple - pour aplanir les voies du Seigneur ont en commun l’exercice du langage. Le mouvement liturgique ne mêle pas inconsidérément tous les plans, il leur emprunte des termes et les compose dans un corps verbal homogène et porté par la voix pour formuler la réponse de l’humanité ; en rassemblant ainsi des signes du langage sur le souffle de l’homme, elle montre que le tissu de son corps verbal est lui aussi, poétique. De la poésie on a dit qu’elle était l’acte le plus complet qui fût, parce qu’elle associait les enregistrements des sens et celui de l’intelligence, et que tous les composants de la nature humaine y participaient. Quand l’énergie de la foi devient l’un d’eux et qu’elle entraîne les autres à des produits de synthèse qui tentent de représenter les relations de Dieu invisible et du monde visible, le rassemblement exposé se complète encore. Et il mène vers un ensemble bien différent des aménagements que la raison dégagée déjà du petit ensemble personnel dégage ensuite de la vie d’univers et traduit en prenant ses distances avec elle et avec Dieu. Ainsi, tout en se présentant comme un édifice assez stable, la liturgie demeure-t-elle une démarche signifiante, exigeant sans cesse de nouveaux mots et de nouvelles images dans la quête de la Face promise. Et quelle que soit la fermeté de notre foi, elle est d’abord la foi de Jésus en son Père, et ce qu’il nous en distribue à chacun est une énergie en mouvement de recherche vers l’évidence de Dieu ; énergie obscure, comme celle de la lumière au travers des corps consistants, diffusant pourtant quelques lueurs au cours de son passage par nous et pressant continuellement vers sa propre recharge. Et c’est bien là, à cause de l’incapacité des termes clairs à rendre compte de mystères qui ne le sont pas encore, que surgit la première difficulté pratique. J’entends par là celle qui résulte de votre intention de servir des âmes simples, de manière à ce qu’elles puissent toujours participer à l’hymne sur l’appui de mots simples : tout vocable nouveau, tout signe du langage qui peut vous être une découverte personnelle, toute formule à la limite de l’indicible mais qui cherche cependant à dire, risque de heurter comme un élément inassimilable. Ajoutez à ceci certaines données religieuses fondamentales : nos efforts d’approche du Seigneur ne doivent jamais cacher la priorité de son approche de nous ; le cours de l’histoire humaine vers le futur et ceux de nos histoires personnelles vers la mort peuvent alors être conçus sous la pénétration de la grâce, venant de l’avenir vers notre présent et jusqu’à notre passé. Comment nos univers poétiques vont-ils manifester concrètement ses effets, même si nous projetons cette dimension nouvelle ? Comment les produits verbaux que nous sécrétons et que nous façonnons témoigneront-ils du travail de Dieu par cette voie dont nous ne sommes pas propriétaires ? Aucune solution calculée à ce problème, bien sûr ; la seule réponse que nous puissions proposer réside unique ment dans l’acte de répondre. Sans doute vous dites-vous (parce que par gentillesse vous hésitez à me dire) : mais où veut-il enfin en venir ? Nous lui avons seulement demandé de présenter nos textes. Et il en profite pour exprimer des réflexions qui débordent étrangement du genre littéraire demandé, une simple préface : le parcours auquel il nous invite est assez déroutant. C’est que je n’ai pas voulu analyser votre livre, ni disserter sur lui, mais l’englober dans l’activité générale de notre siècle, traversé comme tout autre par la provocation de Jésus-Christ au monde ; et je ne chercherai pas davantage à définir ce que le Seigneur désigne par le mot monde. Il me suffit, à moi qui pourtant crois en lui, de me reconnaître façonné davantage par le monde que par l’énergie de la foi. Il y a cependant dans ce façonnage un caractère qu’il me parait intéressant de considérer non pas dans une perspective morale, mais par rapport à la remise en service du processus poétique. J’entends bien que l’Église nous indique dans son appel le regain des genres littéraires utilisés traditionnellement dans sa liturgie : là vous lui avez admirablement répondu, vous avez bien rempli cet article supplémentaire de votre contrat de travail sans jamais vous manifester indiscrètement. Pourtant cet appel à la poésie déborde forcément les parts qui lui sont réservées dans l’office, il touche à la globalisation naturelle de tout homme, qui me semble poétique avant la moindre élaboration écrite. Nous avons appris comme quiconque à en dégager notre raison, à aiguiser sa fonction critique, à nous construire en planifiant. Si dans ce sens le développement du siècle est incontestable, il accroît le risque d’une rupture d’équilibre entre les forces de synthèse et celles d’une pensée qui avance en dissociant. L’humanité actuelle s’en est aperçue, mais dans son effort pour recomposer ce qu’elle divise par ailleurs, elle ne rengage pas l’appareil mental avec les autres composants humains, dont il s’est précisément dégagé : c‘est pourtant à cette phase qu’elle pourra retrouver le processus poétique élémentaire, l’entraîner dans un sens à se creuser et dans l’autre à se déployer, et lui permettre de s’exposer avec ses produits à des univers toujours plus complets que le sien. Pascal distinguait en son temps l’esprit de finesse de celui de géométrie : il me paraît utile pour le nôtre de parler de l’esprit de globalisation et de l’esprit de planification, malgré la laideur de ces termes. Quant à l’affaire religieuse, rangée aujourd’hui dans un secteur particulier des activités humaines - ce qui est manifestement absurde pour une religion reliante comme la nôtre -, explorée par des études psychologiques ou sociologiques sur elle, ce qui malgré des résultats intéressants ne peut pas rendre compte de la vie en elle, on continue souvent à juger que son stade est dépassé ; on oublie qu’un élément extrait d’un ensemble perd sa vie de composition. Quand je me dis qu’il ne peut guère y avoir de synthèse que poétique, je ne fais pas là un plaidoyer pro domo, mais pro domo nostra, je l’espère ; et pourtant mon chemin me ramène maintenant à ma petite expérience de poète invité à composer des hymnes d’action de grâce. Qui ne s’y est pas essayé n’en sait pas la difficulté, à moins qu’il ne se contente de remplir le cadre du genre littéraire avec des motifs déchargés et de moins en moins signifiants ; qui cherche à chanter le baptême ou l’eucharistie, par exemple, à moins qu’il ne s’en tienne à l’exhortation ou bien à la traduction en vers de l’enseignement, se trouvera comme noyé dans leur mystère et incapable d’y prononcer des mots clarifiants. N’est-il pas vrai que nos voix, obligées alors d’accepter leur silence, se demandent ensuite si elles ne doivent pas renoncer pour toujours à leur vocation, se retirer de la convocation à chanter des signes trop obscurs de Dieu ? Mais il se passe aussi, me semble-t-il, que ce qui nous presse de l’intérieur se retourne en nous pour que nous le pressions et l’aidions à se découvrir. Nous ? Chacun de nous, chacun de nos moi rassemblés dans le corps du Christ comme autant de cellules ? En même temps que cette image se forme, son mystère s’épaissit : tous les mots de cette phrase en sont chargés, le mystère s’étend sur nous jusqu’à nous faire reconnaître que nous sommes aussi des mystères à nous-mêmes, des mystères de matière vivante en voie d’être révélés par Dieu en Jésus-Christ, matière et lumière… Ah ! excusez-moi l’aridité de mes propos, ma continuelle insistance sur les mêmes termes et maintenant cet effort excessif et téméraire pour témoigner de ce qui se passe en moi ! N’oubliez pas qu’en écrivant cette lettre, je travaille devant vous ; et que revenu à ce moi gênant, je le sens qui s’efface un peu pour devenir à mes propres yeux une simple forme humaine de la vie universelle ; simple et complexe, et par surcroît baptisée. Au-delà de mon baptême particulier, j’arrive un peu à concevoir que la vie elle-même est baptisée, qu’elle en appelle à Dieu, qu’elle veut le dire vivant par la voix de ses formes humaines dotées précisément d’une conscience et d’une parole. Entendre cet appel informulé de la vie à travers soi et tâcher de l’exprimer de soi, comme d’un canal trop étroit contre lequel il presse : les poètes bibliques y incitaient, saint Paul aussi : n’est-ce pas aujourd’hui le temps d’y revenir ? Moi je reviens surtout à mon insuffisance. Mais c’est bien cette perspective cosmique que je voulais faire entrevoir. Qu’importe si on la juge trop mystique ou trop déraisonnable ! Encore une fois je reconnais que vous avez bien fait de ne pas remplacer le service de vos frères par l’aventure poétique. Si je tiens aussi à ce que la poésie soit servante, ce n’est pas pour la reléguer à la regrettable fonction d’occuper l’assemblée pendant la Messe : vous au moins ne l’abaissez pas jusque-là. Vos cantiques ont été écrits pour des monastères, me dites-vous ; mais croyez-moi, tous les esprits contemplatifs ne sont pas des moines ! Et si je vous adresse quand même cette lettre, si je n’en déchire pas le manuscrit en considérant qu’elle ne peut être une préface convenable à votre livre, c’est pour appuyer encore sur le fait que vous ne pouvez parler du Christ ou de la Vierge (ou bien plutôt leur parler) sans bousculer l’acception ordinaire que l’homme se fait de lui-même et de l’univers ; que cela est déjà une merveille, que la propagation de cette merveille se heurte forcément aux explications psychologiques et aux objections dressées par le siècle pour sa défense ; qu’elle peut s’y infiltrer, mais qu’elle risque aussi d’y perdre l’émerveillement. Nous cherchons souvent des motifs de louange à Dieu ; le premier n’est-il pas dans l’extraordinaire de chercher à le louer et dans le pouvoir, bien limité sans doute, de le faire ? De le faire parce que la vie nous presse de formuler l’action de grâce, l’action de la grâce en elle. Oui, tout se passe en nous comme si le roseau pensant, subissant et assimilant un peu déjà l’action de cette lumière de grâce, comme toute plante le fait de l’énergie solaire, en recevait conscience ; et cependant qu’il s’efforce de traduire ce qu’il fait d’elle, il garde et cultive l’espérance de ce que cette lumière fera de lui, et de toute la création. Maintenant que j’ai tenté d’exprimer le rêve d’une reglobalisation poétique, à la condition qu’elle ne se perde pas dans une vague religiosité, mais qu’elle soit menée rigoureusement sur les signes du Christ, il me reste à me jeter dans votre livre, à y reprendre souffle après ce dur parcours, à y chanter avec vous ; tout ce que je viens de vous écrire ne s’efface pas pour autant, mais se laisse emporter cette fois par votre joie toute simple de rendre gloire à Dieu. |